OEuvre majeure de
Charles Baudelaire, le recueil de poèmes
Les Fleurs du mal, intégrant la quasi-totalité de la production poétique de l’auteur depuis
1840, est publié le
23 juin 1857 . C’est l’une des oeuvres les plus importantes de la
Poésie moderne, empreinte d’une nouvelle
Esthétique où la
beauté et le sublime surgissent, grâce au langage poétique, de la réalité la plus triviale et qui exerça une influence considérable sur
Arthur Rimbaud et
Stéphane Mallarmé.
Genèse
La première édition
Recueil de son oeuvre poétique depuis 1840,
Les Fleurs du mal connaissent une publication progressive avec une première publication, le
1er juin 1855, dans
La Revue des Deux Mondes de dix-huit poèmes.
Le 4 février 1857 , Baudelaire remet son manuscrit à l'éditeur Auguste Poulet-Malassis. Le 20 avril de la même année, neuf poèmes du recueil sont publiés dans la Revue française.
Le premier tirage, imprimé au mois de juin à Alençon, est effectué à 1 300 exemplaires et mis en vente le 23 juin. Le 5 juillet 1857 , un article du Figaro de Gustave Bourdin critique « l’immoralité » des Fleurs du mal. Le Moniteur universel publie le 14 juillet un article élogieux d’Édouard Thierry.
Ces « fleurs maladives » sont dédiées au poète Théophile Gautier, sacré « parfait magicien des lettres françaises » et « poète impeccable », comme l'écrivit Baudelaire au début du recueil.
Une publication des poèmes condamnés aura lieu. Le recueil sera masqué sous le nom Les Épaves.
Le procès et la censure
Le 7 juillet, la direction de la Sûreté publique (ministère de l’Intérieur) saisit le parquet du délit d’« outrage à la
morale publique » et pour « outrage à la morale religieuse ». Cette dernière accusation est finalement abandonnée. Le 20 août, le procureur
Ernest Pinard, qui avait également requis contre
Madame Bovary, prononce un réquisitoire devant la 6
e Chambre correctionnelle, la plaidoirie est assurée par Gustave Louis Chaix d'Est-Ange. Le 21 août, Baudelaire et ses éditeurs sont condamnés respectivement à 300 et 100
francs d’amende, ainsi que la
suppression de six pièces (sur les cent que compte le recueil), pour délit d’outrage à la morale publique. Il s'agit des poèmes
Les Bijoux,
Le Léthé,
À celle qui est trop gaie,
Lesbos,
Femmes damnées et
Les Métamorphoses du vampire.
Paris, sous le Second Empire, est, comparé à la puritaine Angleterre victorienne, un havre de tolérance où la grivoiserie des pièces de Jacques Offenbach qui fait l'apologie de l'adultère, du ménage à trois ou des bacchanales orgiaques, ne semble choquer personne. Mais Baudelaire frise la Pornographie dans des vers comme :
Elle était donc couchée et se laissait aimer,Et du haut du divan elle souriait d’aise
À mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.
DansLes Bijoux
Dans Le Léthé, la « crinière » ne laisse personne dupe :
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblantsDans l’épaisseur de ta crinière lourde ;
Dans tes jupons remplis de ton parfum
Le Sadisme de À celle qui est trop gaie est sans détour et les lèvres en question trop sexuellement évidentes :
Ainsi je voudrais, une nuit, (…)Comme un lâche, ramper sans bruit,
(…) Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur !
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T’infuser mon venin, ma soeur !
En comparaison, on s'étonnerait presque de la censure concernant Lesbos, un hymne sans fard à la poétesse Sappho mais sans provocation non plus. L'Homosexualité n'est pas un délit sous le Second Empire mais son apologie choque néanmoins la morale religieuse des élites catholiques.
Le 30 août, Victor Hugo écrit à Baudelaire « Vos Fleurs du mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles », et pour le féliciter d’avoir été condamné par la justice de Napoléon III. En 1859, Victor Hugo écrira que l’ouvrage apporte « un frisson nouveau » à la littérature.
Le 6 novembre, Baudelaire écrit à l’impératrice : « Je dois dire que j’ai été traité par la Justice avec une courtoisie admirable, et que les termes mêmes du jugement impliquent la reconnaissance de mes hautes et pures intentions. Mais l’amende, grossie des frais inintelligibles pour moi, dépasse les facultés de la pauvreté proverbiale des poëtes, et, (…) persuadé que le coeur de l’Impératrice est ouvert à la pitié pour toutes les tribulations, les spirituelles comme les matérielles, j’ai conçu le projet, après une indécision et une timidité de dix jours, de solliciter la toute gracieuse bonté de Votre majesté et de la prier d’intervenir pour moi auprès de M. le Ministre de la Justice. » Suite à quoi son amende est réduite à 50 francs par le garde des Sceaux.
Réhabilitation
Le
31 mai 1949 , Charles Baudelaire et ses éditeurs sont réhabilités par la Cour de Cassation, saisie à la requête du président de la Société des gens de lettres. Dans ses attendus, la Cour énonce
« que les poèmes faisant l’objet de la prévention ne renferment aucun terme obscène ou même grossier et ne dépassent pas, en leur forme expressive, les libertés permises à l’artiste ; que si certaines peintures ont pu, par leur originalité, alarmer quelques esprits à l’époque de la première publication des Fleurs du mal et apparaître aux premiers juges comme offensant les bonnes moeurs, une telle appréciation ne s’attachant qu’à l’interprétation réaliste de ces poèmes et négligeant leur sens symbolique, s’est révélée de caractère Arbitraire ; qu’elle n’a été ratifiée ni par l’Opinion publique, ni par le jugement des lettrés. »Éditions suivantes
Le
24 mai 1861 , Baudelaire cède à ses éditeurs, Auguste Poulet-Malassis et son beau-frère, Eugène de Broise, le droit de reproduction exclusif de ses oeuvres littéraires parues ou à paraître, ainsi que de ses traductions d’Edgar Allan Poe. L’édition de
1861 enlève les pièces interdites et rajoute trente nouvelles oeuvres.
Auguste Poulet-Malassis, réfugié en Belgique après une condamnation à trois mois de prison pour dettes, le 2 septembre 1862 , y publie, en février 1866, sous le titre Les Épaves vingt-trois poèmes de Baudelaire, dont les six pièces condamnées. L’éditeur sera condamné le 6 mai 1868 par le tribunal correctionnel de Lille pour cette publication.
L’édition posthume de 1868 comprend un total de 151 poèmes, mais ne reprend pas les poèmes condamnés par la censure française : ceux-ci sont publiés, ainsi que ceux du recueil des Épaves, à Bruxelles en 1869 dans un Complément aux Fleurs du mal de Charles Baudelaire.
OEuvre
Titre
Le recueil aurait dû s’appeler
Les Limbes ou encore
Les Lesbiennes mais Baudelaire, sur le conseil d’un ami, y renonce. Le titre définitif, trouvaille que l'on attribue au critique littéraire
Hippolyte Babou (1824-1878) repose sur l'
Oxymore que Charles Baudelaire a tenu à entretenir durant toute sa vie littéraire. En effet, l’auteur considère la
Nature comme laide, par définition et la
beauté comme artificielle.
Correspondances
Baudelaire tout au long de son oeuvre joue sur les correspondances verticales et horizontales (ou synesthésies baudelairiennes) qui inspirent par la suite de nombreux poètes. Toute son oeuvre est construite sur un cheminement moral, spirituel et physique. Il met aussi en évidence les relations entre les cinq sens et les émotions de l'homme.
Thème de la femme
Article détaillé : .Le thème de la femme traverse toutes les Fleurs du Mal, elle se fait tour à tour être sensuel, personne envoûtante, mais aussi inaccessible. Baudelaire s'inspire de trois de ses amantes : Jeanne Duval, Marie Daubrun, et Apollonie Sabatier.
Structure
Le poète divise son recueil en six parties :
Spleen et idéal,
Tableaux parisiens,
Le Vin,
Fleurs du mal,
Révolte et
La Mort.
Cette construction reflète son cheminement, sa quête : spleen et idéal, tout d'abord, constitue une forme d'exposition ; c'est le constat du monde réel tel que le perçoit l'écrivain. Les 3 sections suivantes en procèdent, dans la mesure où elles sont des tentatives de réponse au spleen, d'atteinte de l'idéal. Baudelaire s'aventure à cette fin dans les drogues (Le Vin) puis tente de se noyer dans la foule anonyme de Paris pour y dénicher une forme de beauté (Tableaux parisiens) avant de se tourner vers le sexe et les plaisirs physiques (Fleurs du Mal). Après ce triple échec vient la révolte contre l'absurdité de l'existence (Révolte) qui, elle aussi s'avérant vaine, se solde par La Mort.
Spleen et idéal
L'ennemi L'homme et la mer La beauté L'Idéal La Masque Les Cheveux
Tableaux parisiens
Le Vin
Ce court chapitre thématique comporte cinq poèmes,
L’Âme du vin, Le Vin des chiffonniers, Le Vin de l’assassin, Le Vin du solitaire, et
Le Vin des amants.
Fleurs du mal
Cette partie qui donne son nom au recueil est presque annexe si on la compare, en ce qui concerne la longueur, à
Spleen et idéal. Elle comporte un poème,
Femmes damnées différent mais qui porte le même titre que celui condamné par la censure.
Révolte
La révolte poétique est celle qui fut la plus attaquée lors du procès, la Justice voyait alors, dans
Le Reniement de saint Pierre, Abel et Caïn ou
Les Litanies de Satan, une attaque directe contre l'Église catholique romaine. On peut le comprendre si l'on prend au pied de la lettre l'idée de jeter Dieu à terre et de prendre sa place dans l'éther céleste, dans
Abel et Caïn :
Race de Caïn, au ciel monte,Et sur la terre jette Dieu !
La Mort
La
Mort, conclusion somme toute logique, ferme le ban des poèmes avec, outre
La Mort des amants, La Mort des pauvres, La Mort des artistes, La Fin de la journée et
Le Rêve d’un curieux, et un poignant dernier poème,
Le Voyage dédié à
Maxime Du Camp, qui, par certains accents, préfigure
Le Bateau ivre :
Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !
Notes et références
- Baudelaire, OEuvres complètes, tome 1. Bibliothèque de la pléiade, Gallimard, Paris, 1975. Préface et notes de Claude Pichois.
Liens externes